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Jean-François Laé, sociologue : « Un soupçon incessant pèse sur le quotidien des habitants des quartiers populaires »

Dans nos banlieues, les murs s’embellissent depuis vingt ans mais les pauvres restent pauvres et l’absence de perspectives bouche l’avenir, déplore le sociologue, dans une tribune au « Monde ».

Publié le 04 juillet 2023 à 08h30, modifié le 06 juillet 2023 à 11h41 Temps de Lecture 4 min.

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La colère qui s’exprime à travers les émeutes actuelles, c’est celle d’une vie à devoir supporter un soupçon incessant. Un soupçon élargi à tous les sujets et qui, de façon banale, pèse sur le quotidien des habitants des quartiers populaires, sur lesquels tous les drames, comme celui qui a coûté la vie au jeune Nahel, et leurs répercussions sont autant de prétextes pour crier « haro ».

J’enquête dans nombre de banlieues depuis 1995, notamment dans la Seine-Saint-Denis, où je vois des destins enclavés et vécus comme tels. Je vois des murs qui s’embellissent depuis vingt ans, grâce aux financements publics, c’est formidable, mais les pauvres – jeunes ou vieux – restent pauvres. Les loyers augmentent, les charges autant et les porte-monnaie se vident. L’absence de perspectives d’avenir et ses conséquences sur les modes de vie et particulièrement sur les jeunes habitants sont patentes.

Dans la Seine-Saint-Denis, 32 % des habitants sont logés en HLM et la population du département, selon les données de l’Insee, compte 28 % de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Dans la cité du Clos Saint-Lazare à Stains, par exemple, 47 % des jeunes ont moins de 30 ans et surtout ne possèdent aucun diplôme. Des chômeurs ? Ils sont près de 30 %. Dans quelques immeubles éparpillés, ils sont plus de 50 %.

Appels au secours

Comment vit-on là ? C’est en parcourant les guichets que l’on comprend. Qu’il s’agisse d’une caisse d’allocations familiales, d’une agence Pôle emploi, d’un centre communal d’action sociale (CCAS) ou d’un guichet EDF, les familles dépendent fortement de ces bureaux définitivement numérisés. Un nouvel obstacle qui empêche l’accès aux droits. Les classes populaires ne sont pas les plus habiles en ligne. Alors, on va de guichet en guichet avec son sac plastique plein de papiers à la recherche d’une aide.

Il en va de même pour le loyer. Dans certaines cités, plus de 70 % du paiement du loyer se fait en argent liquide. Ils ont « une peur bleue » de la carte bancaire, cet instrument « à dépenser trop », grimace la postière. Alors on passe le 4 du mois à la poste. En France, 500 000 personnes s’y déplacent dès le premier jour du versement des allocations. C’est dire que la Banque postale est en première ligne de la pauvreté, avec 2 millions d’allocataires de prestations sociales (parmi près de 11 millions de clients particuliers).

C’est à la lecture de centaines de lettres reçues au conseil départemental de Seine-Saint-Denis (durant l’été 2021) que j’ai vu la marée des appels au secours. J’ai compris ce qu’était un « reste à vivre », un calcul de l’argent qu’il reste après le paiement des charges, établi par les CCAS pour accorder une aide. J’ai lu des centaines d’additions et de soustractions pour arriver aux « derniers euros qui restent », bien loin du minimum vital de 1 102 euros par mois considéré comme le seuil de pauvreté pour une personne seule.

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